Ces mots – offerts incandescents aux cartes du soir – continuent leur percée lente et mystérieuse
Un peu comme cette phrase – sertie un soir de gouffre par des mains inconnues – dans la destruction, je m’obsède
Et aujourd’hui – donc
Les tiens de mots qui s’accrochent à mes pensées comme ces reclus courbés sur leurs montagnes
Le mensonge est-il révélateur de l’inconsistance ?
Et comment pour moi ne pas entendre derrière le fatras de questions et de nécessités qui bringuebalent en casserole dans mon passé d’épée



Les chiens savent où ils vont – de travers bien souvent – le corps à l’angle oblique de la route – contraints par on ne sait qu’elle ironie biologique à toujours emprunter une posture de traverse quand bien même ils voudraient filer droit – décidés de leur pas trottinant, dans l’obscurité des plages nocturnes ou sur les chemins caprins – le chien va son rythme de fortune, seul détenteur de son savoir secret.

« La vie me fait mal à petit bruit, à petites gorgées,
par les interstices. Tout cela est imprimé
en caractère tout petit, dans un livre
dont la brochure se consume déjà. »
Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquillité.


Je reviens de chez vous. Il y a toujours cette même pluie douce et fine qui cache les larmes que je ne peux pas pleurer. Comme chaque fois, je retrouve le canal – si triste sous ses branches coulées – comme chaque fois le parc – celui des campements improvisés sous les feuillages, celui des langues inconnues, des vies en transit, des vies de passage qui attendent au bord de l’eau que le temps parte avec la pluie. C’est le parc du mûrier blanc, de ce mûrier que je n’ai jamais vu – que je n’ai pas cherché mais dont j’aime à penser qu’il se trouve tout proche.
Je reviens de chez vous avec vos mots, charriés par mes pas – si opaques et si justes. J’ai tout vos mots avec moi, vos mains vieillies et vos petits cheveux, votre regard surtout – bleu – couleur d’aluminium s’il n’était pas gris. Nous nous sommes peu parlé – vos gestes si lents et si plein occupent tous ces blancs qui nous sont familiers. Et la petite pluie fine – toujours qui berce mes pensées. Et tandis que je plie mon corps à la torpeur de notre rencontre – je les vois eux. Assis sur des plastiques à l’endroit du parc où l’herbe se dodeline. Lui, surtout, avec son étrange sweat-shirt comme arraché à une de ces séries américaines d’il y a plus de trente ans.
Lui qui n’a rien, il rit, se livrant au périlleux exercice physiques – les mains plantées dans la boue du parc – que scande, joyeux, le décompte des syllabes de son ami assis. Je ne connais pas leur langue, j’ai oublié les chiffres – il s’écroule heureux et épuisé sur le sol encore humide.
Je me presse d’oublier l’indécence de ces larmes que la pluie n’effacera pas. Ils ont repris leur jeu de gosse.

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