« Le noir était pour les aveugles une couleur aussi inconnue que le blanc ou le rose.
Aucun œil ne voyait noir, tout comme aucune oreille de sourd ne pouvait transmettre un silence,
mais une absence de silence ou de stridence. Les aveugles ne voyaient rien, tout simplement.
Ils ne vivaient pas dans les ténèbres, car le nerf qui aurait pu
leur en donner la conscience était amorphe. »
Hervé Guibert, Des Aveugles





- De l'imagerie des vieux amants -

Voilà à quoi nous ouvrent les portes d'Internet, les grands débarras d'image où chacun charrie son lot d'instantanés intimes

Voilà le grand repas auxquels nous sommes conviés - entrez chers amis - entrez - ne soyez pas en peine. Voyons ! Tous le monde a bien vu, déjà, ce que maintenant vous observez. Ne soyez donc pas si timide, gêné - on se regarde tous, se reluque sans problème à des milliers de kilomètres de distance - et pendant ce temps [Suave, mari magno turbantibus aequora ventis,
E terra magnum alterius spectare laborem
] où chacun vaque à sa tâche - les éboulis se déchaussent peu à peu - Mais entrez donc, ne vous faites pas ainsi prier - il y a de la place pour tous et pour tous les regards. Voyez comme tout circule, comme on capitalise jusqu'à l'image de soi -

On ouvre un tiroir qui n'est pas le notre - distant - si ce n'était la continuité technologique - pleins d'images qui ne sont pas les nôtres - pas de celles travaillées, reprises plutôt de ces vieux films faits en présence des enfants - qu'on accroche sur les pages des albums aux pages épaisses de papier kraft, des images de pères Noëls (au moins une soixantaine - les couleurs différentes selon les années, la qualité de la pellicule, tantôt jaunes, parfois recouvertes d'un fin reflet vert, d'autre fois encore plutôt rouge orangé), d'autres d'anniversaires (au moins le double - et les boucles brunes qui grandissent au fil des clics, les visages qui se déchiffonnent, prennent un pli définitif); d'autres encore plus vieilles - cartes postales en noir et blanc parfois écrues à peine lisibles - vieux costumes d'antan, robes surannées, collées sur mon écran; il y a aussi la série sur le chat, celle sur le vieux chien tout sec qui perd ses poils quand les photos défilent - remplacé ensuite (après cinquante photos) par un plus gros, plus poilu aussi -pris de plus près depuis la truffe; il y a les incontournables photos de vacances qui paraissent exotiques parce que tirées d'un vieux roman américain - Jim Harisson ou quelque chose du genre - un goût de grange et de paille séchée sur des hectares de terre ; et puis on revient en arrière - multiplication de clics pour retrouver une de premières pages - les deux enfants, le drapeau - immense - l'autre plus petit entre les doigts de la gamine - 4 juillet 1976 - 31 ans je me dis - âgés à présent - et c'est pour nous comme cela - la main sur le drapeau et les petites fesses minuscules posées sur la pelouse - qu'il resteront toujours -

- De l'imagerie des vieux amants -

Voilà enfin sur quoi l'on tombe



Série de portraits un peu datée - mais séparée des vieilles photos - il y a une légende :
Old boyfriend when they were little boy - il n'y en a que quatre dans les tons gris bleutés - on referme l'album en un clic - lui aussi à présent il sera là toujours - du haut de ses quatre ans - pour quel âge aujourd'hui ? Et pour vous aussi - le regard gris bleu des film super8

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