Où la mémoire s'arrête

« Je ne comprends pas le temps, je ne comprends que l’Espace. »
Marina Tsvetaïeva, Lettre à Boris Pasternak, Mokropsy, 9 mars 1923.

Essayer de battre la nuit à son propre jeu, la prendre à rebours, depuis l’aube pour la faire remonter au coucher des lumières. Reprendre la vie depuis la fin, relever le corps de la vieille morte dans la pièce d’à-côté, reprendre ses vêtements, peigner ses cheveux gris, emmêlés par les cahots du cercueil, réveiller tous les morts : le malade, l’assassin, l’accidenté succombant aux séquelles, la petite leucémique, le pendu de la famille, le noyé de la famille, le second pendu de la famille… Les réveiller tous à grand coup de claques et les ramener depuis la fin jusqu’au début de leur vie.
Faire de même avec la nuit. Avec cette nuit qui me semble impossible à passer, impossible à franchir – alors qu’il suffirait de se couler dedans. Est-ce qu’il faudrait tirer le corps dehors pour l’épuiser contre le monde, pour éroder ce trop plein de soi qui m’étouffe chaque jour un peu plus.

Esquiver toujours à dessein ce qui cherche à nous perdre.
Comme de marcher sur son ombre – on finira bien par y arriver.

2 commentaires:

Oui - on finira par y arriver, à franchir la nuit.

(et toujours, quant à moi, cette peur du jour ; l'autre partie de la nuit, la moins désirable)

http://www.arnaudmaisetti.net/spip/spip.php?article206

20 octobre 2009 à 10:01  

Nuit sentinelle alors – Nuit brouillonne, aux pistes emmêlées – quand « faute de sommeil, l’écorce… » R. C.
Et, pour regarder la nuit battue à mort ; continuer à nous suffire en elle. Traverser nets et coupants le temps à son incandescence – tirer, prendre son parti ou plutôt le faire plier à nos souhaits imbéciles, rouges de rage et de torpeur. Se battre encore contre ce qui nous égare
Tenir
Tenir plus loin
Au-delà des portes nocturnes de notre inconsistance.
Pour faire germer le savoir du peu, la gaité folle et rude, la sagesse de la brèche.
Car comme l’aubépine nous tirons vers le soir et retrouvons le vide, fiévreux et éconduits dans ce monde aux doigts fragiles.

Sentinelle - ton lieu.
Veilleur - le mien.
Depuis la même crainte.

23 octobre 2009 à 12:03  

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