La vie à rebours

"Qui laisse une trace
Laisse une plaie" Henri Michaux

Tu n’as pas voulu grandir
- Un coup -
Tu ne l’as pas dit comme ça mais c’est ce qu’il fallait comprendre dans ta résistance
Dans ton obstination à lutter contre l’allant
- Un coup seulement -
Ce n’était pas un refus du temps
Ce n’était pas non plus de la persistance
C’était la simple révélation – la pure certitude – mure sans doute depuis longtemps en toi
Que cet âge était le bon
- Automatique -
Que ce moment-là de ta vie était le fait
- Un coup -
Le point d’absolue concordance avec ce que tu étais
Voulais être
Aurais pu vouloir être
- Un seul -
Mais n’avais pas été ou si proche de l’échec – et à une coudée du but – que c’était sensiblement le même terrain de jeu

Tu n’as pas voulu attendre Tu n’as pas voulu décliner Tu n’as pas voulu t’éteindre


Peut-être qu’en chacun il y a un âge frontière – un âge d’accomplissement
Mais tous nous continuons – ignorants qu’à présent c’est la pente qui nous coule – tous nous continuons abreuvés de pensées et d’espoirs déroulant nos carcasses en sifflant aux vaches qui marmonnent dans les prés

Quand le point de savoir s’éveille
Quand l’éclosion de la chute perce dans celui qui s’y trouve
Il n’est pas possible de s’y tenir plus longtemps
Refuser n’est pas une révolte

Je ne veux pas grandir
Elle a dit quelque chose comme ça
Je ne veux pas grandir
Ce n’était même pas, je ne veux pas mourir
Non c’était, je ne veux pas grandir – parce que grandir, c’était pire que la mort

Refuser n’est pas une révolte
pas une défaite non plus
le simple prolongement de ce savoir chèrement acquis par un corps de quatorze ans

Une balle dans la tête
Dans sa tête de quatorze ans
Une seule balle pour un mètres quarante (elle n’était pas très grande pour son âge, m’a-t-on dit plus tard)
Une seule balle pour quarante kilos (elle était un peu forte, m’a-t-on dit plus tard)
Une seule balle suffit parfois pour être
en avance sur sa propre mort

Fusil browning phoenix
Automatique
Manche en acajou relevé de ciselures métalliques
Fusil browning phoenix
Une belle pièce en vérité
Fusil browning phoenix
de la série phoenix limited edition
Un coup seulement

Et la bibliothèque est partie avec
La vitre défoncée projetant dans toute la pièce ses éclats enrougis

Le plus dur ça a été de nettoyer
Ça a été de faire disparaître
Enfin le mot n’est pas juste avaler plutôt
Oui avaler serait plus juste
Engorger même
Le plus dur donc ça a été de faire avaler aux murs
Au sol au plafond et aux meubles
La soif du sang
De faire pénétrer plutôt que disparaître
les traces

1 commentaires:

et de la trace laissée par ce qui la raconte, comme le sillage sur la mer : que dire de la direction que prend les mots pour la désigner.

23 décembre 2009 à 22:36  

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