L’enfant Virgule. Paraît-il que pour être né il faut père et mère
Que l’engendrement commence à l’origine et que l’on ne peut pas
Être
Sans être fils de sans être fille de
Sans filer droit le long d’un arbre
Généalogique paraît-il que l’on a le droit à un nom quand on sait d’où on vient
Et dans quel pays
Être de quelque part et avoir lieu un jour
Pas possible d’être sans lieu et sans ici sans là
Sans chez-moi authentique
Sans papier sans témoin
Un homme du monde violet. Oui on dit ça on dit ça dans les familles dans les journaux à la TV
Tu ne peux pas être si tu n’es pas chez toi et puis c’est mieux comme ça
Chacun chez soi tout est plus clair
L’enfant Virgule. Pourtant j’ai visité un espace de nulle part avec une orpheline
Une femme du monde violet. Sans père ni mère ?
L’enfant Virgule. Comme je vous le dis
Sans père ni mère
Fils de personne et fille de rien
Pas plus de généalogie que de gourmette
Un autre homme du monde violet. Pas normal ça son nom ?
L’enfant Virgule. Sans nom je vous l’ai dit
Décrochée de nulle part
Sans amarre ni attache
Elle dérive sans encombre clip clop et on se casse
Pourtant on m’a bien dit toujours on m’a dit ça toujours qu’il faut père et mère
Que sans papa maman t’as pas de raison d’être que tu ne viens pas au monde
Comment c’est possible alors cela
Tout cela cette fille
Une femme du monde violet. Tu l’as rêvé sans doute
Une histoire quelque chose raconté par les contes que tu auras vu en sommeil
L’enfant Virgule. Je crois bien qu’elle existe qu’elle a vraiment été sans être vraiment trop
Vrai
Comme je l’ai vu je vous le dis
Un autre homme du monde violet. Et où tu l’aurais vu alors cette fameuse gamine ?
L’enfant Virgule. Alors je ne comprends pas sur les toits on s’est vu dans ma très haute chambre
Sur les toits de la ville
Il faisait chaud de nuit
Chaleur étouffante
Un temps
C’est que
Souvent quand la ville brûle je vais m’asseoir sur les toits car de là seulement on voit la ville entière
On voit le monde qui grouille
De lumière jamais éteintes
Les bandes bleues et rouges de voitures qui circulent les enseignes étreintes Ligne Agricole Crédit Roset Société Vision Coca-Cola Espace Suisse Galerie Mutuelle Lafayette des chômeurs Centre de grands brûlés sapins de lumière allumées dans les tours Monoprix parkings municipaux piscine hypnotique terrain de sports olympiques parcs fermés aux délinquants aux animaux et aux joujoux sub specie aeternitatis credo credo en lumière orange le vert qui clignote verre recouvert d’aluminium grand immeuble décoré épuré dressé par tous les temps
Ciel toujours rouge violet jamais éteint
Phosphorescent dans le halo des buildings supérettes ouvertes 24h/24h pour manger du roquefort même à cinq heures du mat’ les boulangeries tout ça allumé que l’on voit depuis les toits
La télévision dans les apparts encore branchée
Qui fait des nuances de bleu et de blanc sur tous les murs de toutes les pièces
Un homme du monde violet. Mais tu ne dors pas le soir et tout ça tu le vois de ta fenêtre ?
Une femme du monde violet. Il ne dort pas le soir la nuit à son âge
C’est lamentable une honte
L’enfant Virgule. Tout ça depuis ma chambre comme je vous le dis
Une femme du monde violet. Tu es si petit
L’enfant Virgule. On ne m’avait jamais dit que sans père et sans mère on est fils de rien
Et la fille que j’ai vu
Sans lien vraiment à elle
Qu’est-ce que c’était alors ?
On s’est vu toutes les nuits toutes nos aurores violettes
Elle n’avait pas de nom
Et elle ne revient pas
Et je ne peux pas l’appeler
Un autre homme du monde violet. C’est sans doute mieux comme ça comment voulais-tu
À ton âge il faut dormir se reposer on ne reste pas sur les toits
À regarder la ville avec une traînée
L’enfant Virgule. Fille de rien
Fils de personne
Son nom ne le connaissant pas
Comment est-ce que je vais faire ?
Une femme du monde violet. Sans nom vraiment ? comme c’est étrange
L’enfant Virgule. Comme je vous le raconte
Comment est-ce que je vais faire
Pour la rappeler retrouver contre moi ses courbes d’enfance
Un autre homme du monde violet. Ce n’est pas normal une gamine de son âge sans nom rien ni papier
Une clandestine sûrement
Pas normal ça
Et toi ce n’est pas bon que tu traînes avec elle que tu la cherches
Oublie
Une femme du monde violet. Oui oublie mon petit tu ne sais rien d’elle pas même son nom
Tu oublieras encore plus vite
Les souvenirs filent quand on n’a pas le nom
...
à suivre

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