A la surface du monde



Après il y a eu le sel et son goût persistant dans la bouche,
la soif de plus en plus forte - insupportable même - émiettant la gorge, la râpant, réduite à rien
séchée.

Les cristaux sur les lèvres et sous les pas qui crissent.
On a marché longtemps avec ce goût de sel.


Avant je ne sais plus. Seulement le sel comme souvenir. Trop présent pour l'effacer
Le blanc du sel et le miroir de rien qui vous rogne la peau, le visage et les mains
Après il y a eu les craquelures - formes géométriques infiniment reproduites -
L'oubli et ses cristaux de sel comme sur ma mémoire

Après il y a eu les souffles qui se sont recroisés, échangés, perdus
Il y a eu un territoire mort déserté par nos pas, où l'on se perd aussi
Mais surtout dans la bouche cette sensation de sel
- ça dont je me rappelle -
il y a eu le ciel bleu, les cristaux comme des pierres, des murs entiers de blanc, de vide de saveurs où se pose la langue.


Je me suis couché après - à même le sol, la surface de sel - en face à la verticale la coupole bleue, vide aussi. Et puis toujours ce goût de sel par tous les pores de la peau. J'avais marché loin
trop longtemps entre les dunes petites, faites de cristaux, trop loin sans doute de l'île aux cactus qui flotte à la surface comme un bâtiment immense et silencieux. On nous avait dit de la rejoindre. D'y attendre un peu. Pour voir se lever la mer. J'ai marché. Tâche brune à l'horizon, finement décollée du sol comme en lévitation. Mirage noir flottant sur son plateau blanc. L'horizon dilué dans ses reflets au sol, confondu avec la surface. On n'y voit plus rien.

Avant je ne sais plus, mais après il y a eu le sel, persistant dans la bouche et la gorge pelée. C'était seulement pour voir la mer.

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