Lettre immotivée

"Parce que la plus grande folie que puisse faire un homme
dans cette vie, c'est de se laisser mourir, tout bêtement,
sans que personne ne le tue, et que ce soient les mains
de la mélancolie qui l'achèvent. " Cervantès - Don Quichotte.


J’aurais envie de dire « je veux »
- ce soir (mais pas seulement)-

Bien sûr, on nous apprend dès le plus jeune âge à moduler tout cela, à l’habiller plus décemment sous des épaisseurs de conditionnels, de périphrases ou d’hypothétiques. On glissera alors vers le « je voudrais » on s'enfoncera dans un « si c’est possible »… Mais au fond, ce qui reste sous ce qu’éliment les formules c’est toujours l’irréductible « je veux ».

Parce que l'on ne veut rien...
Rien.

On veut seulement vouloir, on veut continuer à vouloir, on veut encore et encore vouloir. On veut - point.

Vouloir ne devrait pas être transitif - Restons en aux babillements des gosses, tirons un trait sur les objets, les compléments, les accessoires.
Ceci est un combat contre la vieille grammaire - et qui perd pieds dans ses décombres.

C'est là où se tient le rire, c'est là où se tient le fou, c'est là où restent les enfants.

Quelque soit la densité de ce qui est dit, au fond, il reste toujours cela dans l’écriture, comme dans la peinture, la musique, ou la danse : on ne sait pas si l’on touche à l’essentiel – peut-être n’y a-t-il rien à venir toucher, rien à venir découvrir, déplier – mais on accomplit un mouvement, et c’est ce mouvement là – celui du « je veux », du vouloir– qui porte la langue, la matière de mot que l’on pétrit, que l’on charrie, comme on transporte la matière sur une toile ou qu’on l’informe dans une sculpture.

On touche ce point du « je veux », qui n’a rien d’un laïus égocentrique, rien de papa-maman non plus.

On dit « je veux » et c’est mieux que « je suis », par ce que le « je suis » est trop clos sur lui-même, petite maison joliment décorée, état de soi où le doute lui-même ne fait que s’assoir sur le canapé et regarder l’âtre qui se chauffe de braises.

Le « je veux » c’est celui du mouvement, comme de l’écriture qui part hors de soi, c’est celui du trajet indéfiniment reporté, parcouru, repris pour ses détours et tout ce qu’ils nous offrent. C'est le chemin de l'hildago, le trajet fantasque entre les géants-moulins, c'est le monde comme on veut le voir, comme on le fait être pour qu'il puisse être autre.


Quitter la maison, fermer la porte derrière soi, laisser les flammes s’éteindre, la table basse et le canapé. Tirer le rideau et partir –

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