April is the cruellest month, breeding
Lilacs out of the dead land, mixing
Memory and desire, stirring
Dull roots with spring rain.
Winter kept us warm, covering
Earth in forgetful snow, feeding
A little life with dried tubers.

TS Eliot, The Waste Land.
Où que je sois encore, je peux les entendre ; je peux voir les visages, je peux compter les heures ; me coucher doucement sur la fin de l’histoire, la vie déroulée comme on mime la fiction dans la fiction épuisée. Où que je sois, elles me réveillent, les voix qu’on entend quand on se tait profond. Quand la musique s’arrête, le silence soudain si fort. Et la rumeur du monde s’échoue jusqu’ici, se laisse recouvrir par les voix. Le dehors et le dedans ne connaissent plus leurs frontières, s’échangent quelques temps les pensées ignorées. Cueilli par leur évidence. Où que je sois, sauvagement pris à la gorge, sommer de répondre. Il n’est pas d’endroit où leur échapper, où renoncer à elles sans renoncer au reste. Fonds venus de cette nuit qui déborde sur tout ce qui, envers du jour, déplace les perspectives, redistribue les cartes de la perception du temps et de l’espace, du monde à la recherche d’une langue qui puisse le dire — fonds venus des lieux inconnus, seules ressources pour déchiffrer l’inconnu. Voix dans le noir qui se dressent, voix étrangères, voix dont l’étrangeté redonnent à la langue et au monde, possibilités de la reconnaissance. Voix qui se donnent, et s’échangent — voix qui témoignent d’une violence infligée aux habitudes. Voix enfin, qui délivrent.
© Arnaud Maisetti _ Seuil/Déplacements

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