Habiter une ville


Habiter une ville
Porter sa chambre
En soi
Habiter une ville comme on étrille ses souvenirs
Mémoire ténue de ce qui fut
Pour user de ses manches
Habiter une ville comme une mansarde pleine
Avec ses trous de pleins et ses vides de creux
Habiter une ville pour toutes les plages mortes
Les feuilles d’automne qui pèlent
Et qui vous foutent la gerbe
Habiter une ville
Dans le simple non-écrit
Pour être un jour
De soi
Habiter une ville
Pour forcer les serrures
Faire sauter les regards qui percent
Et faire trembler les murs
Habiter une ville
Pour qu’elle puisse entendre
Les voix secrètes qui taisent en vous
Habiter une ville
Et croire qu’on sortira
Même s’il faut des jours
De marche et de sueur
Même s’il n’y a plus rien d’autre que les faces noires de murs
Habiter une ville
Pour croire qu’on peut partir
La choisir avec soin
Grande
Immense et folle
La choisir démesurée
Pour que le périple dure
Habiter une ville qui vous étouffera
Pour s’inventer des ailes
Et croire qu’on peut voler
Habiter une ville dont on ne peut pas sortir
Parce que les routes qui tonnent
Ne mènent nulle part
Habiter cette ville qui dévore tout
Habiter cette ville comme une mansarde pleine
Et croire que sous le sol
Se tient un monde secret
Où l’on vivra un jour.
Habiter une ville
Immense sauvage crépue
Et faire croire à ceux là qu’on est de nulle part
Habiter cette ville
Qui est surtout la tienne
Qui porte tes souvenirs
Tes regards et tes pas
Parce qu’on ne cesse jamais vraiment de s’appartenir dans le silence des allées folles
Travestir ta ville
Celle où tu vas revenir
Celle démesurée
Où je n’ai pas de place
Déshabiller cette ville
Qui lèche sans passion les peaux sèches qui meurent dans les petites cabanes
Habiter dans ta ville
Celle qui a creusé ton visage dans ses mains
Habiter ce moule
De tes errances violettes
Habiter cette ville
Où je n’ai nulle place
Où ma voix elle-même n’émet qu’un petit son
Ridicule sifflement
Dans le décombre des bruits
Où rien ne dort le soir
Si ce n’est la lumière
Habiter cette ville échevelée démembrée de regards comme un grand corps qui souffre
Habiter cette ville
Comme on prend une vieille femme - couchée sur le temps

Pour faire danser l'aurore et étouffer demain

0 commentaires:

Article plus récent Article plus ancien Accueil