Cent corps
Deux cent peut-être difficile la mesure du décompte quand le sien aussi file à vive allure
Avale les pas dans le silence résonant d’une tête
Semblable à d’autres têtes
Surtout depuis l’intérieur – depuis la trace somnambule du brouillon empêtré
Même visage au-dedans
Semblable aussi quand il est porté ces matins-là
Dans la bouche du métro
– On ne les voit pas –
Dans la bouche du couloir
– On ne les voit pas –
Dans l’œsophage du grand corps sans organe
– On ne les voit pas –
Visage à tant d’autres semblables depuis leurs sommeils emportés
Et silencieux
Et secrets
Et surtout – moins que les visages – parce qu’à brûle pourpoint
On ne les voit pas – les projette seulement au devant de soi
Mécaniquement
Tout aussi abstraitement que la courbe de ce couloir parfaitement retenue
Que le nombre de marches entre le seuil et le quai
Que la tenue de la rambarde qui ne suffit pas aux envies d’en finir
Fantômes tendus entre la réalité et la projection
Entités mathématiques probables
Dont il faut éviter la course
– On ne les voit pas –
Ce qui est sûr seulement
C’est le silence des bouches
L’engouffrement silencieux du vent qui hurle au métro – libre parce qu’enfermé
Vent de claustrophobie
Le même que celui qui étouffe dans les prisons qui suffoque dans l’espace étroit des chambres
mortuaires
Un vent qui crève sur place mais qui ne veut pas mourir
Vent clos sur lui-même
Bien que circulant
Le silence du couloir
Et du vent qui n’en finit pas de gerber
Le silence du vent
Sur lequel viennent s’écraser autant de pas
Autant de rythmes, un convulsif de semelles
Repris
Scandé
Toujours le même rythme
Toujours
Sur le silence du vent qui s’accroche
Et ce rythme du matin
Cette cadence éteinte
Du corps qui ne s’éveille pas
Et qui retournera le soir
Au même rythme
Du même pas
Le vent dans l’autre sens
Toujours près à tourner encore un peu
Reconduire au lendemain
Le bruit des autres fois

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